10.3.08

Longue prétention doctrinale, pardonnez-moi


Aujourd’hui, je vous montre mon vrai visage : je suis une infâme personne qui ose juger les autres. Oui, je vous le dis, j’ai cette manie terrible de regarder les gens que je croise et de m’imaginer des tonnes de choses sur eux simplement par leur look. J'essaie même de deviner leur vie, des enfants, filles ou garçons, marié, hétéro?

Cette vieille dame aux longs cheveux gris, au maquillage de clown et aux habits dépareillés : trouve-t-elle vraiment son accoutrement beau ou est-elle simplement réellement excentrique? Je me demande si à cet âge je ferai comme elle fi du regard des autres ou bien si simplement elle ne s’en rend pas compte, me rendrai-je compte, moi?

Une femme aux cheveux d’épouvantail (j’y vais fort, mais dans ma tête c’est moins pire), je me dis que ça fait dur. Mais peut-être qu’elle n’a tout simplement pas d’argent pour le coiffeur dispendieux. Je me demande si ma frange coupée par nulle autre que moi-même dernièrement fait le même effet.

Cette autre dame, je l’ai croisé quelques fois, mon Dieu, mais quelle face de beu! Un bon matin, elle croise une amie, elle s’anime, elle parle avec vivacité, passion, humour, je l’écoute tout au long du trajet, fascinée par ses mimiques et ses intonations. Mon regard croise mon reflet dans la vitre, mon Dieu! J’ai donc ben l’air bête quand je ne souris pas!


Je pense que personne n’est à l’abri du jugement des autres, le jugement n’est pas foncièrement méchant, il arrive qu’on juge les gens sur des trucs positifs d’un seul regard, genre « Wow! Il a donc bien l’air sympathique lui! » sans que personne ne s’en formalise. Je crois que le jugement devient un problème quand il est sans appel. Par contre, dès que l'on fait un commentaire critique, on se fait harponner.

J’ai la manie de commenter sur les gens qui m’entourent et souvent ça fait réagir les autres. Le simple fait de constater un trait de caractère particulier chez quelqu’un et de le mentionner fait automatiquement de vous un être borné et méchant incapable de s’ouvrir à la différence d’autrui. On ne peut pas dire : « Unetelle est vraiment susceptible » ou « Chose là, je trouve qu’elle travaille mal » sans que les autres prennent cela aussitôt pour une prise de position contre cette personne et vous réplique brusquement « Ben là! Elle est fine quand même! » Ben oui, elle est fine, ben oui, j’ai du plaisir à lui parler, ben non ça veut pas dire que je l’haïs pis que tout le monde devrait se liguer contre elle dans un boycott sauvage de sa personne. Y’ a des jours où ça m’exaspère plus que d’autre et aujourd’hui, j’avais envie d’en parler.

Moi (suprême Belle Lurette, ma parole vaut de l’or, alors imprégnez-vous), je pense que cette tendance à ne jamais vouloir rien dire sur personne, à moins que ce ne soit positif, dénote une absence d’opinion. Si je veux dire ce que je pense, je dois poser un jugement. Attention, si je concentre mes exemples sur les individus, c’est que c’est définitivement un domaine où les gens sont sensibles, ce n’est pas que j’ai envie de médire de tout un chacun sans arrêt. Est-ce par peur que les autres aient une mauvaise opinion d’eux à leur tour? Je ne sais pas. Mais tout le monde « juge » (le terme est si péjoratif que je grince à l’utiliser, mais je n’en trouve pas d’autre), c’est dans la nature humaine. Comme je le disais tout à l’heure, si le jugement en question résume la personne sur laquelle il est porté et qu’il est inébranlable, ça, c’est un problème. D’un coup d’œil, on a déjà une idée générale de la personne à qui l’on s’adresse, puis au fil du temps ce coup d’œil se précise tout simplement, on a des défauts et des qualités, c’est tout (ça fait un peu Passe-Partout, désolée).

Dernier exemple (qui me démonisera à tout jamais) : je suis tombée enceinte à dix-huit ans, j’en ai maintenant 24 et je ne suis plus avec le père de mon fils depuis trois ans. Profil typique de la pauvre monoparentale. Pourtant, j’ai tout de même poursuivi mes études (il n’a jamais été question du contraire), je travaille pour vivre et je fais une obsession du look de mon fils. Pourquoi cette obsession? Parce qu’il est hors de question qu’il ait l’air d’un enfant pauvre (attention, je ne veux pas dire que je dépense une fortune pour lui acheter du souris-mini, mais que je porte un soin particulier à ce qu’il ait l’air d’un mignon petit garçon bien mis (discrètement, je ne voudrais pas qu’il développe lui aussi une obsession de son apparence)) parce que les gens s’attendent à ce qu’on soit pauvre. Une jeune mère monoperentale, ça reçoit un chèque d'aide sociale pis c'est pas éduqué, c'est une moins que rien. Ça m'enrage.

Le regard que les gens portent sur nous à l’épicerie, au centre d’achats, dans l’autobus en dit long (de moins en moins à mesure qu’il grandit, ça frappe moins). Les gens nous catégorisent, se permette de passer des commentaires désobligeants, voire effrontés que l'on ne penserait pas à faire à une mère de trente ans divorcée, et s’attendent carrément à un certain comportement et façon de penser, genre que je sorte un paquet de cochonneries de mon sac quand P’tite Face me dit qu’il a faim. Mais non, P’tite Face aime particulièrement les canneberges séchées (beurk!). Si je mets autant d’énergie à démolir le préjugé qui naît dans l’esprit des gens lorsqu’ils nous voient, c’est que je les connais ces préjugés.

Quand je vois un petit couple pousser un carrosse au métro, maman à chandail au-dessus du nombril, papa à pantalons jumbo, je pense la même chose que les autres, vous savez, mais je porte en même temps sur moi le même regard (mais je ne porte pas de chandail au-dessus du nombril par contre). N’est-ce pas terrible?
P.S. : Je l'ai déjà remercié maladroitement, mais elle a résumé ma pensée ici et ici sans le savoir, mais d'une façon juste et nette. Merci encore! ;)

5 commentaires:

Anonyme a dit...

Tous les gens portent un jugement sur les autres à un moment ou un autre. Il est vrai que la plupart du temps, on se contente de le penser sans le verbaliser mais n'est-ce-pas, en quelque sorte, de l'hypocrisie? Tu n'es pas l'exception qui confirme la règle, il faut apprendre à accepter la critique de façon constructive sans la prendre trop personnelle.

Par ailleurs, je te seconde pour le stéréotype de la mère monoparentale. Moi aussi j'ai dû tolérer les regard d'autrui, surtout quand un jeune enfant devient incontrôlable. On passe pour des mères incapables d'élever un enfant. Moi aussi je regarde ces jeunes mères d'un oeil critique, surtout quand elles ont l'air marginales ou très jeunes. Mais je dirais que même les parents dits ''normaux'' ne sont pas forcément habiletés pour faire l'éducation d'enfants. La preuve, les deux enfants laissés à eux-même sur le quai du métro hier. Papa et maman parlaient avec une amie alors que les deux jeunes filles étaient à quatre pattes par terre et s'approchaient dangereusement du bord du quai. J'étais sur la pointe des pieds en attendant le train, tenant mon garçon (très calme et patient)par la main. Le statut social n'a clairement aucune importance. La vie nous place dans différentes situations et nous forge de différente façon. Notre rôle est d'accepter ces situations et de faire du mieux que l'on peut.

A.B. a dit...

J'ai moi aussi mon franc-parler. Ça en dérange plusieurs. Je m'en fous pas mal, à vrai dire. Je trouve que la langue de bois, ce ne sont pas seulement les politiciens qui l'ont; la majorité des Québécois aussi. Ici, il ne faut pas dire de choses négatives sur qui que ce soit. On passe alors pour de gros «michants». Tout comme toi, je considère qu'avoir des opinions et les exprimer est loin d'être une chose négative, n'en déplaise aux moutons qui suivent la parade et l'endurent sans prendre la parole.

Valérie-Ann a dit...

Ça m'a pris du temps avant d'écrire un commentaire parce que je ne veux pas être mal interprétée. J'ai lu ton texte avec émotion, et j'ai lu attentivement les textes que tu as linkés. La situation des mères dites filles-mères me touche beaucoup. Ado, si ça m'avais adonné, j'aurais adoré avoir un bébé. En fin de compte j'en ai eu des bébés, mais à l'âge dit "normal", après mes études. Mais parfois je me sens trop vieille, moins patiente que dans ma "jeunesse", j'ai l'impression que mon cœur d'enfant me fais défaut. Et parfois, je me sens trop jeune, incompétente, inapte et désemparée. Je crois qu'à n'importe quel âge on peut faire une bonne mère, à n'importe quel âge on peut faire une mauvaise mère, et on ne peut pas juger avant de savoir vraiment. Il y a à peine une centaine d'année, dans les campagnes françaises, une femme était vieille fille (voire presque trop vieille pour le mariage) passé vingt ans. C'est dire que la majorité des filles avaient leur premier enfant désiré, dans le mariage, vers 15, 16 ou 17 ans. La société change, les mœurs évoluent, les outils pour les jeunes mères sont là et pour qui sait s'en servir, en effet, un enfant peut être un merveilleux tremplin. Mais c'est surtout une petite boule d'amour, de joie et d'émerveillement! :) Bravo pour ton parcours, je t'admire!

La belle Lurette a dit...

J'aime ça un blogue parce que les gens qui font des commentaires sont presque toujours d'accord avec nous! héhé, merci de partager vos impressions avec moi, c'est très apprécié, d'autant plus que vous me dites que j'ai raison! Et en me relisant, je constate qu'il y aurait eu matière à deux billets plutôt qu'un...tant pis!

Anonyme a dit...

Heu, tu m'excuseras là mais je n'avais jamais visité la page de ton profil et je viens d'apprendre en lisant ton billet que tu avais 24 ans. Ce n'est pas un défaut. En tous les cas, si je le savais, j'en ai jamais fait de cas et je l'avais oublié. Demande-moi pas pourquoi mais je suis tombé en bas de ma chaise ;-) Une chance que je n'ai jamais osé essayé de te cruiser :-)

Vraiment là ;-) Chapeau de t'occuper de ton fils toute seule. Je sais "un peu" ce que c'est d'être monoparental pour l'être à temps partiel et ça en prends de la colonne pour soi-même mais surtout pour supporter le regards des intôlérants qui eux, en général, n'ont pas d'enfants.